De même, en 1864, on apprend que « Monsieur Simeon, originaire de Tokat, qui est Emin Kiachif, est mort à l’âge d’environ 90 ans ». Comment enregistrait-on les individus, comment les identifiait-on en l’absence d’un cadre aussi rigoureux que celui qui s’impose en 1864 ? 52Bref, l’individu est saisi pour lui-même, mis à distance de sa communauté de vie. Les contenus de la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International. Il arrive très souvent que les femmes ne soient pas nommées, comme on le voit dans l’exemple précédent, alors que c’était très rare pour les hommes.
L’une de ces communautés est atypique, peu nombreuse et moins connue, celle des Arméniens d’Egypte. Il arrive même que l’on ne connaisse pas son nom alors que l’on connaît son origine géographique, ce qui montre l’importance que les individus accordent, en période d’immigration, à l’origine géographique. Il faut dire que c’est en 1812 qu’est instauré le système des monopoles (, En fait, Jabartî reproche aux chrétiens en général et aux Arméniens en particulier d’être sortis, politiquement et socialement, de la condition de, L’identification systématique par Jabartî des Arméniens aux chrétiens (quand ce n’est pas aux mécréants) prend donc tout son sens. Leurs façons de se désigner révèlent les antagonismes. 48L’enregistrement des enfants, lors de leur baptême ou décès, apparaît lui aussi moins riche d’informations que celui des hommes. On le voit, le regard que Jabartî porte sur les Arméniens à partir de cette date est peu amène. 34À partir de 1826, les individus sont donc plus souvent et mieux décrits. Ce n’est que lors de son décès qu’il « retrouve » son nom de naissance, Siméon, car tous les actes le concernant dans les registres avant cette date le mentionnent par son nom d’usage, Emin Kiachif14, qui sonne effectivement plus arabe. Quand c’est le cas, ils se présentent avec des terminaisons changeantes, y compris les mêmes années d’enregistrement : terminaison arménienne en –ian, turque en –oghlou et persane en –zadé (voire même russe en –of, pour des Arméniens de Smyrne possédant généralement la sujétion autrichienne ! Changer ). Le registre, de décès signale ainsi, en 1846, que « quelqu’un qui est un immigrant originaire d’Arapkir est mort à l’hospice » (, isbitarian arapkertsi kharib vomen hankiav, ) et qu’un immigrant originaire de Malatia est mort dans la maison du tailleur Garo (, malatiatsi kharib(n) terzi Garo-in doun mérav, ). La première est matérielle. de ‘Ali pacha Mubarak signalent qu’elle donne dans le quartier de Ḥârat Zuwayla où vit la majeure partie des Arméniens (Mubârak, 1982 : 72). C’est la même démarche, inversée toutefois, qui conduit les Arméniens à traduire les lieux dans lesquels ils vivent, ce qui est une forme d’appropriation du nouvel espace dans lequel ces immigrants se trouvent plongés : le quartier du Vieux-Caire (, Les Arméniens catholiques conservent également leurs archives au Caire, au Patriarcat arménien cath, Ce sont les archives des Arméniens apostoliques qui sont principalement examinées ici. Le livre "Armenians in Egypt. Ce texte contient cinq grandes parties traduites en français, par « titres ». 1855 Fin du statut de dhimmi. De même, Krikor agha est tantôt appelé Bilezigdji oghlou (en 1826, 1827, 1829, 1831), tantôt Bilezigdjian (en 1830). Même lors de leur mariage, elles ne sont généralement ni décrites ni nommées. , le célèbre historien et chroniqueur égyptien s’en émeuve : « À cette époque 1820, le problème du logement devint de plus en plus pénible au Caire, qui devint trop petit pour ses habitants, du fait qu’il y avait beaucoup de maisons en ruines et que les étrangers affluaient, surtout les gens qui n’étaient pas de notre religion.
La mention des infirmités, de la maladie -on trouve des aveugles (. D’autres sont suffisamment rares pour permettre un énoncé plus court. Les Arméniens sont nombreux au Moyen Orient, où beaucoup se sont installés après avoir fui la Turquie. Jabartî, 1997. Plus que de surnom, on pourrait parler ici de nom d’usage. De même, le fait de prendre la peine de noter, lors du décès de quelqu’un, son emploi au service d’un tiers, nécessairement plus élevé sur le plan social, à l’intérieur de la communauté (en 1833, «, La titulature d’usage permet également de saisir la place que l’individu occupe sur une scène sociale bien particulière, celle de la communauté ; et, en même temps, de remonter à l’origine du prestige ou d’une forme d’exclusion.
Son nom, Garabed, malgré la déformation –Karâbît- subie lors de sa transcription en arabe sous la plume de Jabartî, le désigne vraisemblablement comme Arménien (Jabartî, 1997, p. 996). Ce texte, approuvé par le pouvoir ottoman, porte sur la réorganisation administrative interne des Arméniens de l’Empire et sur l’équilibre des pouvoirs à l’intérieur de la communauté, entendue ici à l’échelle de l’Empire.
Avant cette date, la mention de ce qui pouvait s’apparenter à un nom de famille était aléatoire : certaines personnes portaient déjà ce suffixe – comme Bilezigdjian - mais cela restait une pratique assez rare, et répandue plutôt dans les documents de nature officielle comme les testaments que dans l’enregistrement courant des baptêmes, mariages ou sépultures.
C’est ce que révèle l’anecdote suivante racontée par Nubar, et qui le met en scène alors qu’il était tout jeune puisqu’il n’avait que 21 ans. Les Arméniens catholiques, qui s’appellent de manière officielle sur leurs registres, au cours du xixe siècle, « Arméniens orthodoxes » (madian besagui azki hayots oughaparats)13, nomment les Arméniens apostoliques Arméniens d’Etchmiadzine (haï etchmiadzagan), voire parfois Arméniens hérétiques (haï hérétigos, en 1865). De plus, l’absence de nom de famille ne permet pas toujours de reconstituer des généalogies fiables. Les Arméniens d’Égypte, au tout début du xixe, sont dans leur grande majorité des migrants (80%) qui parlent le turc ou l’arménien, très peu l’arabe (à part les Arméniens nés en Égypte).