Dans ce contexte, il est légitime de demander si la Turquie est prête, elle aussi, à célébrer officiellement, d’une façon ou d’une autre, le centième anniversaire du génocide arménien ? Pourquoi l’Azerbaïdjan et l’Arménie sont au bord de la guerre ? Demain, les problèmes de la culture arménienne risquent d’être suivis de problèmes de plusieurs autres cultures. Hamit Bozarslan, directeur de recherche à l’EHESS, coauteur du livre Comprendre le génocide des Arméniens, estime que le génocide constitue ni plus ni moins que l’acte fondateur de l’Arménie et de la Turquie d’aujourd’hui, un moment crucial pour les Turcs, qui, qu’ils le veuillent ou pas, sont désormais obligés de se définir toujours par rapport aux événements de 1915. J’estime que le génocide culturel avait commencé avant le génocide humain, et il s’est terminé plus tard que celui-ci ; peut-être il ne s’est même pas terminé encore.

Il ne faut pas parler d’une culture arménienne, géorgienne ou autre, mais de notre culture en général. Surtout si la Turquie et la Russie, les deux géants de la région, s’impliquent dans ce conflit. La semaine dernière, des affrontements à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, dans la poudrière du Caucase du Sud, ont fait au moins 16 morts.
Entre l’Arménie et la Turquie, il ne s’agit pas d’une simple bataille des mots, c’est vraiment une rupture très profonde. L’Arménie célèbre ce vendredi 24 avril 2015 le centième anniversaire des massacres commis sous l’Empire ottoman.

Une vingtaine de pays ont reconnu le génocide, mais l’Arménie tient beaucoup à ce que cette tragédie soit reconnue aussi universellement, par le monde entier. A mon avis, le génocide culturel continue même aujourd’hui, car il n’a jamais été jugé et puni ». Précédemment, en 1993, en pleine guerre du Haut-Karabagh, la Turquie avait, pour soutenir son allié azerbaïdjanais, décidé de fermer ses 268 km de frontière commune avec l'Arménie. L’historien et politologue Hamit Bozarslan rappelle que « la Turquie estime que certaines communautés arméniennes ont trahi l’Empire ottoman en se ralliant aux forces russes, et qu’on se trouvait dans un contexte de guerre, où le contrôle sécuritaire était loin d’être au niveau optimal, et donc au cours des déportations, dont on reconnaît l’existence, plusieurs dizaines ou plusieurs centaines de milliers de personnes auraient trouvé la mort ». Et quand il s’agit des Arméniens, explique Hamit Bozarslan, « vous avez un peuple qui a une longue histoire de quelque 2 000 ans, et cette histoire est annihilée totalement entre 1915 et 1916 ». RFI - Actualités, info, news en direct - Radio France Internationale. Pour Hasmik Poghossian, c’est parce que la communauté mondiale n’a pas su reconnaître, juger et punir le génocide culturel en Arménie qu’aujourd’hui elle « ne peut rien faire contre ce qui se passe en Irak et en Syrie, où on détruit, on anéantit la civilisation mondiale et, en partie, il s’agit aussi de la culture arménienne ». Pour les deux pays, il y aura toujours un « avant » et un « après » 1915. Toutefois, explique-t-elle : « Moi-même, honnêtement, je suis contre cette association. « Et pour les Arméniens de l’Arménie, poursuit Hamit Bozarslan, ce moment est extrêmement important, tout simplement parce que par la suite il y a eu des incursions ottomanes en 1917, 1918, 1919 contre les Arméniens du Caucase ». Ils parlent même d’un « génocide culturel », distinct du « génocide humain ».

Comme beaucoup d’Arméniens, la ministre prône une importance universelle du génocide et le place dans un contexte qui dépasse largement les frontières de l’Arménie. Fréquentation certifiée par l'ACPM/OJD.

Ainsi, Ankara compte pouvoir non seulement éclipser les cérémonies du centième anniversaire du génocide à Erevan, mais aussi se présenter comme l’une des principales victimes de la Première Guerre mondiale. L'Arménie, face à cette condition, décida de ne pas donner suite [2] à une éventuelle ratification des accords de Zurich.
© 2020 Copyright RFI - Tous droits réservés. Analyse. Commémoration du génocide arménien à la porte de Brandenbourg, à Berlin.